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Le blog Les dits du théâtre

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Les dits du théâtre, le blog de l'actualité théâtrale d’aujourd'hui


Trois fois Ulysse de Claudine Galea

Publié par Dashiell Donello sur 8 Avril 2024, 12:36pm

Trois fois Ulysse de Claudine Galea

Au Théâtre du Vieux-Colombier, nous avons vu « Trois fois Ulysse ». Commande faite à Claudine Galéa, par la Comédie-Française, sur une idée originale de Laëtitia Guédon. Cette recherche archéologique littéraire nous a frustrés et nous laissé dubitatif, par rapport au talent dont nous avait habitués l’autrice. Pourquoi ne pas avoir demandé simplement, à Claudine Galéa, d’écrire directement un texte sur la sororité dans l’ici et maintenant du théâtre ?

Les trois confrontations avec Ulysse, finalement, semblent un peu tiré par les cheveux, et Laëtitia Guédon met dans l’embarras Claudine Galéa : « lorsque Laëtitia Guédon m’a proposé d’écrire à partir de l’Odyssée pour la troupe de la Comédie-Française, J’ai été à la fois tentée et circonspecte. - Ulysse à trois âges de sa vie face à trois figures féminines - était assez contraignanre pour moi qui ne peux écrire que par nécessité ». Comme dans l’ensemble vide des mathématiques le texte, par une demande orientée, va au point zéro de ce qu’il voudrait insinuer. Nous comprenons que la nécessité, pour Claudine Galéa, n’allait peut-être pas de soi avec le texte d’Homère. Il fallait que l’autrice repense l’Odyssée, sa guerre de dix ans et le long retour du héros Ulysse chez lui. Qu’elle mette son écriture, avec son point de vue, dans le temps présent du troisième millénaire, pour interroger vingt neuf siècles de patriarcat subit par les femmes.

Laëtitia Guédon nous dit dans l’entretien réalisé par Chantal Hurault : « avec Claudine Galéa, nous nous sommes retrouvés dans l’idée de donner un contre-point à la vision répandue que l’on aurait d’Ulysse ».

Ulysse, le héros de l’Odyssée, est incarné trois fois.

Trois femmes inhérentes à sa destinée vont lui faire face.

Claudine Galéa invite en préambule Hécube (donnée au jeune Ulysse victorieux). Elle n’apparaît que dans l’Iliade. Avec Calypso, elle crée l’espace-temps des sept années de la nymphe amoureuse. Puis fige Pénélope (Marie Oppert), sirène sublime, pour l’animer dans un chant qui cette fois n’épargnera pas Ulysse.

Le premier Ulysse (Sefa Yeboah) semble être accouché par l’orbite du squelette d’un crâne de cheval. Celui de Troie, des Amazones ? Hécube ( Clotilde de Bayser) lui fait face. Et, sans prendre de gants, lui déverse une logorrhée qu’il n’oubliera pas de sitôt. Le deuxième Ulysse (Baptiste Chabauty) arrive chez Calypso (Séphora Pondi ). Le crâne de cheval vu à revers nous montre maintenant la grotte de la nymphe amoureuse. Un temps de sept ans va retenir Ulysse. Avant qu’à regret, Calypso ne se résout à voir rentrer son amant à Ithaque. Où Pénélope chante, à son époux (Éric Génovèse) de retour, « son chemin de mort ».

La scénographie au lointain nous donne, avec des vidéos, tour à tour : mer, volcan, aurore boréale, murmuration d’oiseaux, voie lactée, etc. Qui nous situe, les lieux des actions de l’histoire.

La mise en scène de Laëtitia Guédon, après un temps de latence, est divinisé par l’entrée du chœur lyrique Unikanti qui exalte les circonstances proposées. C’est alors un oratorio lumineux qui nous transcende, en alternant le chant avec le texte de Claudine Galéa. Nous touchons, avec ravissement, au sacré avec le chœur Unikanti. Les chants vont du XIIIème au XXIème siècle, traverser la musique sacrée occidentale, les chants traditionnels araméen, orthodoxe, Celte. Un grand moment émotionnel.

Laëtitia Guédon dit : « le théâtre est pour moi le dernier endroit où l’on a la possibilité de « décoller » du réel. Ce que je recherche dans les mythes – anciens ou plus modernes – c’est l’accès à ce quelque chose « de plus grand que nous ».

Mais qu’est-ce qui est plus grand que nous ? La mise en scène n’est pas explicite sur la question. Les images de sensations ne suffisent pas toujours au récit. Parfois ce qui devait être l’écrin de la perle littéraire devient le voile qui la cache. Non, ce n’est pas une légende glorieuse. Oui, ces trois femmes dont parle le texte « Trois fois Ulysse » n’occupent que quelques lignes à la fin de l’Odyssée. Oui, il y a de quoi s’interroger sur notre culture, mais comment effacer des siècles de patriarcat, éviter sans inverser ce qui devrait être la norme : l’égalité des femmes et des hommes de manière intemporelle. Oui, (pas assez rapidement) les temps ont changé.

Cependant ce spectacle, avec un texte et mise en scène, est purement féminin, ce qui nous ravit grandement.

Quoi qu’il arrive, le théâtre nous change.

Même sceptique, il y a toujours quelque chose qui nous touche l’âme dans cet art vivant qu’est le théâtre. Cette fois-ci c’est le chant. Nous avons pensé fortement à une chanson de Jean Ferrat, sur un poème d’Aragon :

« Le poète a toujours raison,

qui voit plus haut que l'horizon

Et le futur est son royaume

Face à notre génération,

je déclare avec Aragon

La femme est l'avenir de l'homme ».

C’est simple, c'est de plus en plus vrai, c'est beau.

 

Trois fois Ulysse de Claudine Galea

Mise en scène Laëtitia Guédon

Avec Éric Génovèse, Clotilde de Bayser, Séphora Pondi, Marie Oppert, Sefa Yeboah, Baptiste Chabauty et le choeur Unikanti : Farès Babour, Simon Bièche, Manon Chauvin, Antonin Darchen, Adélaïde Mansart, Johanna Monty, Eva Pion, Guilhem Souyri

Scénographie Charles Chauvet

Costumes Charlotte Coffinet

Lumières Léa Maris

Vidéo Benoît Lahoz

Arrangements musicaux Grégoire Letouvet

Son Jérôme Castel

Direction de choeur Nikola Takov

Maquillages et coiffures Laëtitia Guédon

 

Théâtre du Vieux-Colombier

21 rue du Vieux-Colombier 75006.

https://www.comedie-francaise.fr/#

 

Tél : 01 44 58 15 15.

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française.

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